Intelligence économique et sécurité

L’espionnage industriel

Dans un article du journal USA Today, il est écrit :

« … Avec la croissance de l’économie globale et la demande incessante de nouvelles technologies, les experts affirment que le nombre de cas d’espionnage économiques aux Etats Unis augmente tous les ans (30% l’an dernier).

… Le vol de secrets commerciaux a coûté 59 milliards de dollars environ aux 1.000 premières compagnies américaines en 2001, selon une enquête de l’automne 2002 réalisée par l’American Society for Industrial Security et PricewaterhouseCoopers ….

… Les gouvernements et les services d’intelligence en France, en Israël et les pays de l’Est ont une longue histoire d’espionnage industriel aux Etats-Unis, disent les experts américains …». A contrario en France, le sujet est rarement évoqué. Les espions ne parleraient t’ils pas la langue de Montaigne ? Si, évidemment, mais les entreprises qui découvrent qu’elles ont été piratées le taisent. L’espionnage industriel coûterait d’après la DST au moins 1,5 milliards d’Euros chaque année aux entreprises françaises « insouciantes ».

Intelligence Économique ou Espionnage Industriel

« L’intelligence Économique est définie comme l’ensemble des actions de recherche, de traitement et de diffusion (en vue de son exploitation) de l’information utile aux acteurs économiques » (Rapport du Commissariat au Plan).

On pourrait néanmoins dans cette définition apporter une précision importante entre Intelligence Économique ou Espionnage Industriel.

L’ Intelligence Économique ne traite normalement que d’informations ouvertes (c’est à dire celles accessibles sur Internet, banques de données, journaux, centres de documentation, organismes) alors que l’objectif de l’espionnage est l’accès aux informations « fermées » (c’est à dire les autres, celles normalement non accessibles à l’extérieur de l’entreprise ou de l’organisme).

Les failles principales de l’entreprise vis à vis de l’Intelligence Économique

Fondamentalement la faille principale en France est la crédulité vis à vis de la protection de son patrimoine informationnel.

Pour preuve le constat de Bernard Carayon, député (UMP) du Tarn, chargé par le gouvernement de faire une mission d’évaluation et de proposition en matière d’intelligence économique. Il cite l’exemple de la société GEMPLUS qui est devenue la dernière société française maîtrisant la technologie des cartes à puces à passer en 2003 sous le contrôle américain (après Schlumberger).

 »Une définition de la défense du patrimoine » par Bernard Carayon, député (UMP) du Tarn.

Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, vous a confié une mission d’évaluation et de proposition en matière d’intelligence économique. Vous en êtes aujourd’hui à mi-chemin de votre travail. Quelles sont vos premières réactions ?

– Je veux réussir trois mariages et un enterrement. Le mariage des administrations entre elles, celui du public avec les acteurs privés, et enfin entre zone blanche, les actions menées en terrain ouvert, et zone grise, les recherches menées en terrain plus discret.

Quant à l’enterrement, je tiens à mener le cortège qui conduira à la tombe les naïvetés françaises en la matière, si considérables lorsqu’on compare notre attitude aux pratiques anglo-saxonnes.

Après avoir rencontré les responsables des services de l’Etat centraux, déconcentrés et extérieurs, plusieurs des dirigeants des entreprises du CAC 40, des sociétés de renseignement privées, des universitaires et des politiques, je constate que, pour atteindre ces buts, il y a encore beaucoup de travail.

Après avoir auditionné ces personnalités, quel est votre jugement sur l’état de l’intelligence économique en France aujourd’hui ?

– Dix ans après le rapport Martre de 1995 qui a posé les premières pierres de l’intelligence économique en France, celle-ci demeure un beau sujet de colloque de spécialistes, mais reste un véritable point d’interrogation pour les chefs d’entreprise, qui sont, ne l’oublions pas, les premiers concernés.

Les responsables IE des entreprises que j’ai auditionnés m’ont tous déclaré qu’ils faisaient de l’intelligence économique, comme M. Jourdain faisait de la prose. Ils naviguent un peu dans l’approximatif.

Aujourd’hui, ni les entreprises, ni les pouvoirs publics ne savent ce qui est important à défendre ou à obtenir pour notre pays et nos entreprises. Faute de doctrine, les collaborations entre acteurs et les actions ne peuvent être définies ni mises en oeuvre.

L’exemple de Gemplus

Le meilleur exemple est celui de Gemplus. Faute d’affirmer avec suffisamment de force que cette entreprise figurait dans notre rayon de souveraineté, sa défense est restée parcellaire et dispersée. C’est sur le terrain de la doctrine que doit se mener la première bataille.

Quelles seraient alors vos préconisations ?

– Il est essentiel que l’État se dote d’une véritable définition de la défense du patrimoine économique national et de tout ce qui peut servir aux intérêts économiques du pays afin d’aider les entreprises françaises à protéger leurs intérêts, à conquérir des marchés extérieurs et à leur politique d’influence.

Certes, certains se demandent ce que signifie être une entreprise française à l’heure de la mondialisation et au moment où 60 % du capital de certains de nos plus beaux fleurons sont détenus par des fonds de pension anglo-saxons. Je peux vous assurer que les sites américains qui appellent au boycott des produits français savent, eux, qui sont ces groupes hexagonaux.

Une fois ce concept bien assis, les services de l’État pourront produire les textes qui permettront de mettre en musique ce concept et de le rendre efficient. Les administrations pourront alors pratiquer l’information horizontale entre elles et aux entreprises et non plus la simple information verticale par la voie hiérarchique.

Cela permettra alors que l’intelligence économique se pratique comme une respiration et qu’elle irrigue le public, le privé et la société civile avec des résultats constatables.

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